body
Body thoughts and casts
Cette installation met en relation les mots, gestes et matériaux au cœur de ma pratique artistique.
Ici, une série de fragments de mon corps moulés en plâtre. Ils témoignent de l’existence d’un corps féminin – le mien – sans cesse en transformation avec l’âge et selon l’état de santé. Des bouts de corps qui, grâce au plâtre, donnent naissance à des couches matérielles d’histoires, de connaissances, d’expériences, de mémoire, de mouvements, de peur, de douleur, de culpabilité, d’intelligence. Une collection de collection.
Là, un empilement de plus de six mille pièces créées en répétant autant de fois le même geste, un morceau d’argile écrasé dans ma main. À côté, une boîte contenant une pièce en porcelaine issue d’une poignée de mains. La trace d’une rencontre pour évoquer l’importance des liens. Sur un mur, une bibliothèque de mots et de textes évoquant ma pratique artistique. Comme un autoportrait.
Je matérialise la pensée développée par Richard Senett, dans son livre Ce que sait la main. Le sociologue américain se questionne sur ce que la production de choses concrètes peut révéler des individus. Grâce à l’argile, j’ai développé une perception que je peux rattacher à la connaissance de moi-même. Cette perception naît des gestes répétés de mes mains et de mon corps. L’activité manuelle m’aide également à construire une compréhension du monde. En travaillant l’argile, j’apprends au-delà des aspects techniques de la céramique. J’explore la persévérance, la répétition, une temporalité différente de celle du monde extérieur. Les gestes mille fois répétés s’installent dans mon corps et ma mémoire. Ils forment mon expérience tactile qui elle-même devient un savoir-faire.
Ceramic bodies
Sylvie Godel et Lais Rosa ont toutes deux une pratique artistique tournée vers l’exploration des gestes et mouvements du corps. Entre janvier 2021 et janvier 2022, elles expérimentent en intérieur et en extérieur le toucher de la peau, des muscles et des os, pratiquent la sculpture céramique et des techniques de danse somatique. Le résultat de leur travail se traduit dans ce projet par la réalisation d’une grande sculpture en pisé composé d’argile crue, de sable et de fibre textile en forme de cocon. Elles habitent – ensemble et nues – cette enveloppe de terre qui devient peau et filment leur performance dans leur atelier lausannois.
Ce qui reste après une rencontre
Emprunter les mains des clients d’un café de mon quartier, les masser et conserver les empreintes de poignées de mains ou de doigts dans de l’argile. Un geste thérapeutique transformé en performance artistique pour créer une collection de traces d’une action qui disparaît aussitôt terminée. Un projet qui s’inscrit dans la pratique de l’art relationnel et de l’artiste américaine Mierle Laderman Ukeles avec ses œuvres mettant en scène des tâches de maintenance et son Manifesto for Maintenance Art.
Les nombrils du monde
Collection de moulages de nombrils de collègues, ami·e·s, voisin·e·s et membres de ma famille. Petit dessin sur le corps, le nombril est l’élément qui évoque nos origines, notre vie utérine, notre lien maternel et les premiers instants de notre vie. Comme pour les massages de mains, cette intervention suscite des vives réactions, soit enthousiastes, soit gênées. Les mots qui reviennent le plus souvent au cours du processus – pudeur, intimité, poils, douleur, douceur, chaleur – montrent que ce petit trou intrigue et fascine symboliquement et formellement. À la fois tous pareils et tous différents, mes nombrils « à l’envers pour le moment » sont en relief, ronds, pointus ou plats, lisses ou plissés. On dirait des petites queues.
photograhies @ Marie-Pierre Cravedi, Sylvie Godel et Christiane Nill